Tourisme et art de guerre

Lettre Mensuelle du Tourisme
L’art de la guerre s’applique-t-il à l’entreprise commerciale ou n’est-il exclusivement réservé qu’aux Etats Majors des Armées?

A croire Anne Marchais-Roubelat, chercheur au Laboratoire d’investigation en Prospective Stratégie et Organisation, les concepts de la stratégie militaire s’appliquent bel et bien au monde de l’entreprise. A la différence cependant que l’entreprise a plus de difficultés que les forces armées à définir une stratégie et à s’y tenir du fait de la complexité de l’organisation de l’entreprise et de son environnement.

L’armée dépend du pouvoir politique dont elle tire sa légitimité. De même l’entreprise est subordonnée à la Loi, élaborée et votée par les organes politiques. L’armée et l’entreprise utilisent des stratégies générales et des techniques opérationnelles sur le terrain. Elles subissent communément des contraintes internes (financement, organisation…) et externes (politiques, diplomatiques et naturelles) qui obéissent à des logiques différentes d’ordre social, technique et politique. Pour simplifier disons que l’armée, une fois sur le terrain, est maîtresse du jeu. Ses victoires renforcent sa position, contrairement à l’entreprise qui doit tenir compte des phénomènes sociaux, économiques et politiques internes et externes sur lesquels elle a peu d’influence.

Tout cela pour introduire l’idée que « l’entreprise tourisme » au sens large du mot, peut établir les stratégies les plus lumineuses qui soient elle n’atteindra ses objectifs que si elle arrive à mobiliser des appuis nombreux, à tous les niveaux des multiples décideurs qui participent d’une façon ou d’une autre à ses activités.

Or disait Churchill: « Je ne connais lors d’une guerre, qu’une seule chose qui soit plus gênante que d’avoir des alliés : C’est de ne pas en avoir » Tout le dilemme est là en effet. Un deal a besoin de partenaires mais dès qu’il y en a, le jeu devient complexe et aléatoire.

La vision 2010 n’avait pas besoin que de concepts stratégiques puissants mais de partenaires financiers, d’infrastructure, d’encadrement des populations, de formation technique et d’entreprises citoyennes qui doivent tous accepter des compromis raisonnables entre leur logique interne et l’intérêt général bien compris. Allez demander de la compréhension à un Ministre des Finances, constamment sollicité, donc en permanence sur la défensive et qui a sans arrêt des besoins d’argent! Ne tentez surtout pas de faire l’impasse sur son bureau et d’aller pleurer dans le giron du Directeur des Impôts. Un, il n’a pas de temps à perdre et secondo il aura toujours des contraintes qui vous dépassent. Vous voulez des autoroutes, des trains aussi rapides que le TGV, une flotte aérienne où il n’y a pas le moindre avion casse-pipes, une population disponible et heureuse parmi laquelle ne se dissimule aucun illuminé poseur de bombes, des hôtels qui poussent comme des champignons, des concurrents floués et désespérés….Pas de problème, il y a des stratégies et des tactiques pour cela. Mais il restera toujours à trouver les sous et les bons partenaires. Pour l’argent il y a les emprunts, pas cher au Japon par exemple mais qui va vous faciliter la tâche? Des partenaires compréhensifs et bien disposés à votre égard…Là ce n’est pas évident à moins que des arbitrages à un niveau ou à un autre arrivent d’abord à se faire, ensuite à opérer les changements nécessaires et les environnements propices.

L’entreprise privée touristique peut-elle mettre du sien et faire pencher la balance ? Oui mais sa propre mise à niveau pose encore problème; ses démêlés internes avec son environnement spécifique la neutralisent. Elle n’est pas prête pour devenir un partenaire responsable et influent. Elle sollicite encore des subsides à gauche et à droite et n’a pas un discours cohérent et convaincant.

Alors à quoi nous servira l’art de la guerre? Aujourd’hui cela ne nous servira à rien car pour être atteinte, la cible qui est le sous-développement endémique, ennemi sournois et aux réactions imprévisibles, nécessite un sérieux redéploiement des idées et des moyens humains et organisationnels.