Marrakech, une histoire fascinante (suite et fin)

La capitale des Almoravides est de loin la destination touristique qui connaît la croissance la plus forte. Mais qu’en sera-t-il demain avec l’Open Sky et la clientèle low-cost ?

Depuis l’année 2000, les arrivées de touristes à l’aéroport international de Marrakech ont presque doublé. En 2005, elles voisinent le million de passagers, ce qui représente près de 40% de l’ensemble des arrivées nationales par voie aérienne.

Ces touristes étrangers ont développé 4,7 millions de nuitées hôtelières, c’est-à-dire 88,4% de la part totale des nuitées réalisées dans les hôtels classés de la ville. On constate dès lors que le tourisme interne a représenté en 2005 quelque chose comme 12% du total des nuitées.

Quant à la capacité dont dispose la capitale du sud, elle est de l’ordre de 30 000 lits, représentant le quart de la capacité hôtelière de tout le Royaume. L’occupation de cette capacité hôtelière a évolué de façon satisfaisante depuis le début du quinquennat. En 2005, elle a été de l’ordre de 70%.

Ces paramètres attestent les données mentionnées précédemment et confirment trois choses :

1- Le leadership de la ville ocre dans les activités touristiques du Royaume est incontestable.

2- Le rythme de croissance annuel moyen des arrivées et des nuitées réalisées à Marrakech, soit 10,2% pour les arrivées et 6,7% pour les nuitées, est celui qui est le plus proche des ambitions de la vision 2010 (15%). Nulle part au Maroc ces performances n’ont été atteintes.

3- Les investissements colossaux prévus pour le développement des infrastructures, de la capacité hôtelière et para-hôtellerie et du secteur d’animation et des loisirs exigeront plus de vigilance qu’ailleurs. En effet, il est souvent plus difficile de gérer l’essor économique que les crises passagères.

Marrakech va bénéficier encore d’apport de clientèle supplémentaire mais attention à la saturation. L’occupation à 70-80% est un maximum. D’où la nécessité de booster le régime de construction de nouveaux hôtels et de former sans tarder, et de préférence sur place, les staffs et personnels nécessaires à la gestion des futures unités.

Il est évident que la main-d’œuvre qualifiée et le personnel d’encadrement font aujourd’hui cruellement défaut. Il suffit pour s’en rendre compte de provoquer des demandes d’emplois pour des postes tels que directeurs généraux d’hôtels, gouvernantes générales, chefs de réception, maîtres d’hôtel, cuisiniers, chefs d’entretien qualifiés…

La signature prochaine de l’Open Sky avec l’Europe des 25 va pouvoir satisfaire enfin un vœu ancien et une nécessité absolue qui s’inscrit dans le cadre des conditions essentielles du véritable décollage du tourisme marocain.

Nous avons été quelques-uns à monter souvent au créneau pour sensibiliser les décideurs sur ce dossier crucial. Bien sûr, tout ne sera pas résolu d’un coup de plume, il faudrait aussi que la loi puisse réglementer les « low-cost » et qu’on tienne par ailleurs compte du fait qu’à force d’écrémer large à travers la clientèle européenne, on provoquera deux risques sérieux:
1- Celui de faire venir au Maroc des clients ayant peu de moyens pour animer le secteur tertiaire
2- Celui de réduire le taux d’occupation des hôtels 4 et 5 étoiles

En fait, il faudrait pouvoir dire oui au « low- cost » mais non à la subvention d’une clientèle de campings et d’hôtels de bas de gamme. Contrairement à la Tunisie par exemple, le Maroc a beaucoup investi dans l’hôtellerie de qualité, et l’idéal serait que la clientèle européenne riche puisse utiliser à son profit le transport « low-cost » dans une proportion satisfaisante à nos stratégies commerciales et financières globales.

Il est par ailleurs toujours d’actualité de garder l’œil sur la domination du marché français qui représente, à lui seul, 62% de la part des nuitées totales car il n’est pas prudent de mettre « tous les œufs dans le même panier » ou alors il faudrait se préparer à courtiser en permanence une clientèle qui se sentira de plus en plus indispensable et qui sera de plus en plus exigeante. Certes chaque politique a un prix et il est judicieux de commencer d’ors et déjà à envisager les mesures d’accompagnement à introduire dans notre philosophie d’action vis-à-vis des opérateurs économiques français présents à Marrakech et de la clientèle française en particulier de façon à leur donner un sentiment de sécurité et de bien-être. Les Français investissent à Marrakech et ils y viennent nombreux en vacances. N’est-il pas légitime qu’ils devraient s’y sentir un peu comme chez eux? Le dossier de l’open sky a été longtemps bloqué à cause d’une exigence de réciprocité mais qu’on ne vienne pas nous parler à nouveau de réciprocité. Celle-ci ne peut pas être satisfaite rapidement à ce propos non plus et n’a même pas à être envisagée tant que nos concitoyens en France n’auront pas acquis un degré d’adaptation et une forte représentativité, capables de leur permettre de formuler des exigences et tant que les nationaux visitant la France ne se comptent pas en millions.